De la digitalisation de l’entreprise

Samedi matin j’ai eu le l’honneur de présenter « les métiers du digital » à la « matinée des métiers » du collège de mes enfants. En dehors du joyeux plaisir de rencontrer un geek de treize ans trop heureux de trouver un adulte qui connaisse le Raspberry PI ou un entrepreneur de quatorze ans cherchant un moyen de monétiser ses développements Minecraft, ces différentes rencontres m’ont amené à peaufiner ma réponse à cette question fondamentale et récurrente posée au cours de la matinée: heu c’est quoi les métiers du digitaleuh m’sieur?

Bon, alors comment dire ? Ah oui. Ce que l’on appelle le digital, c’est l’échange d’informations au travers de réseaux, par l’intermédiaire de terminaux électroniques. Les métiers du digital sont donc ceux des personnes qui interviennent dans cette chaine : électroniciens, spécialistes réseaux, créateurs de contenus… Mais le plus important c’est de bien comprendre que  le cœur de cette chaine, le lien profond qui unit tous les maillons et définit le digital, lien si profond que le mot remplace celui qui devrait être utilisé, c’est l’information.

Je me demande souvent pourquoi on utilise le terme « digital » pour parler d’information. Si l’on prend les exemples d’Uber et d’AirBnb, entreprises dites « digitales », « géants du digital », ils reposent sur le même principe : les choses existent, mais sans l’information qui permet de les utiliser, elles n’ont aucune valeur « de flux ».

« Uberiser » dans ce sens ce n’est pas inventer un modèle de travail précaire, c’est attacher une  information à produit existant pour créer une nouvelle valeur.

Prenons divers exemple :

  1. La télécommande du téléviseur.

Oui, je sais, c’est ancien. Et pourtant emblématique. Qu’est-ce qui a permis l’explosion de l’offre de chaînes de télévisions ? L’objet qui rend envisageable d’avoir le choix aujourd’hui entre 200 chaînes ? La télécommande. Sans télécommande, le reste est tout simplement impensable. Vous imaginez un monde dans lequel vous avez accès à 200 chaînes mais que vous ne pouvez sélectionner qu’en vous levant de votre fauteuil ? A chaque fois ?  L’objet technique télécommande a révolutionné le rapport que nous avons à la télévision en nous permettant de sélectionner aisément l’information disponible. Dès lors il était possible de multiplier l’offre.

Mais là nous sommes au niveau zéro de l’utilisation de l’information . La télécommande permet seulement de choisir le flux. Avec le smartphone, nous allons beaucoup plus loin. Mais la logique est la même : l’objet qui permet de manipuler l’information d’une façon inédite change le rapport que nous avons avec l’information. Et cette dernière est l’essence du développement économique. Juste un point de réflexion : qu’est-ce que l’argent sinon une information ?

Un smartphone peut être vu comme une super télécommande qui révolutionne le rapport que nous avons à l’information. Mais il est n’est pas le seul objet qui va assurer le développement du digital.

  1. Les objets connectés.

Eux aussi sont régis par la définition pré-citée : un objet auquel on attache une notion d’information pour décupler sa valeur. Ils vont peu à peu envahir notre quotidien.

Qu’est-ce qu’un objet connecté ? C’est un objet « classique » dont on augmente la valeur d’usage par de l’information. Imaginons une seconde la frigo du futur. A l’instar des tablettes Amazon, je l’imagine disponible à prix bradé mais assorti d’une abonnement à mon enseigne préférée. Les aliments sont enregistrés dès qu’ils y sont rangés et l’enseigne est renseignée en temps réel sur l’état des stocks. L’enseigne pourra me proposer de renouveler mes stocks et, avec mon accord (oui, il y aura bientôt des cookies dans les frigos), de recevoir des suggestions , des échantillons de produits qui devraient me plaire au regard de ce que consomme…

Je bénéficierai en retours de tarifs avantageux sur l’appareil, de recettes créées automatiquement en fonction du contenu, d’un suivi des dates de péremption, etc… Bref, la valeur de mon frigo ne sera plus celles de ses composants et du travail d’assemblage, de transport,  mais celle de l’information qu’il véhiculera.

Les exemples sont légions et si vous regardez les « succès digitaux », l’information reste au cœur de leur stratégie. Apple développe l’offre de contenus, AirBnb fonctionne sur le même principe qu’Uber (ma maison acquière une valeur locative parce que l’information sur sa disponibilité à la location est disponible, publique, accessible, sûre…).

Nous avons connu la révolution industrielle qui reposait sur l’exploitation des ressources naturelles et humaines pour concevoir des objets manufacturés. Aujourd’hui le cycle arrive en bout de souffle et nous sommes dans la révolution digitale qui attache une information à ce monde industriel pour changer sa valeur et créer de la richesse.

En conclusion la réflexion doit être aujourd’hui : quelle information puis-je attacher à mon activité pour développer sa valeur ?
On est loin des débats sur l’équipement en tablettes des commerciaux qui font croire à certains qu’ils participent à la révolution.

Vous avez six mois. Après un autre aura trouvé.

 

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